Historique
Rivière Petit-Saguenay
Le Club des Messieurs
La création de ce que nous appelions le « Club des Messieurs » remonte vraisemblablement au tout début de l’histoire de la municipalité. En 1844, l’industriel Monsieur David Price avait acheté la première scierie construite à l’embouchure de la rivière Petit-Saguenay et avait édifié en 1848 tout près de là, sa ferme modèle ce qui faisait des lieux sa capitale administrative régionale. À cette époque, la rivière était déjà reconnue comme étant un endroit privilégié pour la pêche au saumon. La Cie la Baie d’Hudson, qui avait été la dernière à opérer le monopole des fourrures au Saguenay, y avait même entretenu jadis une pêche pour ravitailler en poisson frais tous ses postes de l’intérieur. Monsieur David Price imita ses prédécesseurs et exploita à son tour les ressources fauniques locales, probablement pour satisfaire ses propres besoins industriels.
Nous ignorons de quelle façon et comment s’opéra cette pêche au saumon et combien de temps perdura cette activité. Nous savons cependant que pendant les années qui suivirent l’arrivée de Price dans la région immédiate de Petit-Saguenay et devant la surexploitation de la part des colons et des industriels forestiers, les saumons disparurent rapidement et cette tragédie exigea une action énergique du gouvernement de l’époque. En effet, dès 1845 dans le rapport faisant suite à son voyage d’enquête effectuée au Saguenay, l’honorable D.B. Papineau mentionne justement la diminution tragique du saumon au Saguenay. Ce dernier n’hésite pas à pointer du doigt les installations industrielles des Price comme la grande cause expliquant cette tragédie et ce désastre. Nous devons tout de même admettre que l’édification des scieries n’était pas la seule cause car les colons du Saguenay et les navigateurs avaient également pris la fâcheuse habitude de pêcher le saumon à l’intérieur du fjord au cours de sa remontée et cette activité laissait bien peu de chance à la conservation. Lorsque le saumon avait réussi à échapper aux nombreux filets tendus un peu partout à travers sa migration, il se retrouvait devant une écluse insurmontable et avait bien peu de chance d’éviter les harpons qui l’attendaient.
Devant des faits aussi incriminant, nous comprendrons dès lors que pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle, la pêche au saumon dans la rivière Petit Saguenay constituait de plus en plus une activité privilégiée qui deviendra vite l’apanage des grands propriétaires, c’est-à-dire ceux détenant les droits d’exploitation exclusifs sur les cours d’eau. Toutefois, en dépit des rendements peu encourageants, la pêche au saumon se poursuivait toujours à l’intérieur des principaux affluents du Saguenay. Depuis 1861, pour tenter de pallier au plus pressant, l’état exigea la construction de passes migratoires sur les rivières Ha! Ha!, À Mars, Saint-Jean et Petit Saguenay. Sans aucun doute, cette première directive empêcha l’extinction définitive de ce salmonidé.
À l’époque, William Price n’était pas le seul à détenir des droits sur la rivière Petit-Saguenay. En dehors de ce qu’il possédait déjà en 1852, le gouvernement du Bas Canada lui avait octroyé une concession qui avait fait de lui le propriétaire d’une langue de terre d’environ un kilomètre de longueur, petit territoire se situant sur la rive gauche, tout près de l’embouchure; le reste du territoire appartenait toujours, semble-t-il, au gouvernement d’alors ainsi qu’à deux colons (des Tremblay et des Girard) qui avaient mis en culture quelques acres de terre, « sur les bords de la rivière, un peu au-dessus de la propriété de Price ». Au début des années 1870, la destruction de la scierie par le feu avait écarté M.Price du secteur momentanément.
Contrairement à ce que nous dit la croyance populaire, les droits de pêche le long de la rivière Petit-Saguenay n’appartenaient pas à l’industriel Price à l’époque. Les Documents de la Session du Québec et le journal Le Canadien nous indiquent plutôt clairement qu’ils ont été loués en 1885, pour 345 f annuellement à un autre anglophone : un dénommé N. Pendleton Rogers qui possédait d’ailleurs les droits de pêche de la rivière Éternité et qui entretenait un gardien ainsi que quelques dépendances; Pendleton, un « sportman américains » particulièrement bien connu à l’époque, faisait partie du select « Restigouche Salmon Club ». En 1892, Pendleton abandonnera ses prétentions sur la rivière Petit-Saguenay au profit de son concitoyen Harrison E. Gawtry.
Gawtry semble être le dernier particulier à posséder les droits de pêches de ce secteur. En 1899, la rivière Petit-Saguenay n’apparaît plus dans la liste des rivières et des lacs sous bail de la province de Québec. À cette époque, la rivière Petit Saguenay, de même que les rivières À Mars, Éternité, Saint-Jean et Sainte-Marguerite subirent les fâcheux contrecoups du braconnage au moyen de filets, lequel s’était développé d’une manière alarmante au cours de ces dernières années.
Après le départ de Gawtry qui coïncidait donc avec la diminution du saumon, tout porte à croire que les droits de pêche furent purement et simplement abandonnés au « Club de pêche et de chasse du Petit-Saguenay », lequel avait été légalement incorporé selon la loi provinciale, le 25 avril 1889. En 1906, la tradition orale nous indique que les droits furent accordés à ce moment au nouveau « Dumas Fishing Club », association sélecte dont la tutelle appartenait à un actionnaire de la compagnie Price : M. King.
Le « Dumas Fishing Club », dont nous ne retrouvons aucune trace de sa création légale, exploitera la pêche au saumon de la rivière Petit Saguenay jusqu’à sa fermeture en 1950. À ce moment, un groupe de quatre américains (les dénommés Gilepsi, Pape, Hayst et Field) achetèrent le terrain et les bâtiments. Ils y construisirent un chalet pour le gardien ainsi qu’une maison pour l’intendant; le major Guy Belleau. En 1966, le gouvernement accordait à la nouvelle Association de Chasse et de Pêche de Petit-Saguenay, le mandat de gérer la rivière et ses alentours. Devant cet état de fait, Gilepsi vendit le chalet au gouvernement en 1968. Dix ans plus tard, plus exactement en 1978, juste après qu’il ait dissolu tous les droits des clubs privés de la province de Québec, le gouvernement autorisait l’association à gérer la réserve faunique de la rivière Petit-Saguenay. Depuis 1999, l’Association chasse et pêche du Bas-Saguenay ayant le statut de zone d’exploitation contrôlée (ZEC), s’est vue confier la gestion de la rivière Petit-Saguenay, le site d’hébergement du Club des Messieurs, le camping et les activités qui s’y rattachent. En 2008, l’organisme gestionnaire apporta une modification à sa dénomination sociale en adoptant le nom de : Association de la Rivière Petit-Saguenay.
Source: Monsieur Russel Bouchard (historien)